Partir sans bouger physiquement
Depuis que j’ai pris la décision de partir, ce grand voyage semble ne jamais vouloir commencer. Comme si la ligne de départ s’enfuyait au loin devant moi.
Physiquement, je suis encore ici, dans cette maison.
Mais intérieurement, je réalise que je suis déjà en route, que je ne me sens plus vraiment « chez moi » ici.
Il m’a fallu du temps pour l’accepter, pour me pardonner de ne pas encore avoir plié bagage, vendu la maison, enfilé mes chaussures de marche…
Ce « vrai départ » paraît encore si loin, et pourtant, mentalement et émotionnellement, je suis déjà un peu partie.
Parce qu’en vérité, c’est ça voyager, non ?
Ce n’est pas seulement accumuler des kilomètres !
C’est aussi affronter ses doutes, apprivoiser ses peurs, et se préparer à rencontrer le grand et terrifiant » inconnu « .
Vous savez? Celui qu’on se figure avec de grandes dents, un regard sanguinaire, une grande cape (pourquoi pas ? J’imagine ce que je veux !) et une atmosphère inquiétante qui le suivrait partout, comme un nuage ténébreux personnel.
Voilà ! C’est ça. Cet inconnu là. Celui qui, en réalité, n’a pas de visage, mais qui reste quand même cauchemardesque.
Et donc, il est là, sur mon chemin vers le « grand voyage ».
C’est un cheminement intérieur, semé d’embûches. Il y a des marécages à traverser, des montagnes à gravir, des fleuves indomptables à affronter.
Ce n’est pas juste un déplacement physique !
Je n’ai jamais vraiment voyagé, pas encore, pas vraiment, et je n’ai aucune préparation physique.
Je ne fais que spéculer.
Mais de tous les livres que j’ai lus, des vidéos YouTube que j’ai visionnées, des témoignages que j’ai entendus, et des rencontres avec des » vrais voyageurs « , je pense que je ne suis pas loin de la vérité.
Bon, peut-être que l’inconnu n’est pas aussi terrifiant pour tout le monde.
Chaque jour, je me prépare à plonger dans cette aventure.
Chaque jour, j’essaie de changer en moi ce qui doit l’être pour pouvoir partir.
La peur est là, elle me tord les entrailles et me paralyse parfois, mais je refuse de la laisser gagner. Je ne l’ai jamais laissée gagner.
Alors j’avance, un pas après l’autre.
Parfois, ces pas sont minuscules, comme ceux d’une fourmi.
Parfois, je reste immobile, léthargique pendant des jours, voire des semaines, mais je ne recule pas.
Nous voyageons tous, que ce soit dans nos pensées, nos rêves ou nos espoirs.
Chaque vie est une aventure en soi, faite de nos choix, de nos hésitations, de nos élans. Certains choisissent de vivre à un rythme tranquille, savourant la quiétude du quotidien, comme l’eau paisible d’un lac.
D’autres veulent tout goûter, chaque saveur, chaque épice de la vie, même au risque d’être surpris par la brûlure d’un piment. Ils cherchent des expériences intenses, ces moments qui éveillent les sens et font battre le cœur plus vite. Chaque goût, même celui qui prend un peu au dépourvu, enrichit le voyage et rappelle qu’on est bien vivant, curieux du monde qui nous entoure.
Je fais probablement partie de cette dernière catégorie. Après tout, je me sens déjà souvent comme une étrangère à ce monde!
Mais ça peut surprendre.
Quiconque me connaît dirait que ça ne me ressemble pas.
Je suis introvertie, marquée par la vie.
J’aspire à la sécurité, à la quiétude.
Je ne sors pas ou très peu, sauf si je ne peux pas faire autrement.
Anxiété sociale. Entre autres.
Mais j’ai soif de tout savoir, de tout comprendre, de tout vivre… enfin, peut-être pas absolument tout. Disons que certaines aventures, je m’en passerai !
J’ai envie de me pardonner d’être qui je suis.
J’espère que ce voyage me montrera (peut-être?) une autre manière d’être, des cultures plus douces, plus bienveillantes.
J’ai ce rêve un peu fou que la Thaïlande, ma destination » finale « , avec sa culture bouddhiste et son surnom de pays du sourire, m’offrira un accueil qui m’aidera à guérir.
Là-bas, peut-être que les gens penseront à préserver leur karma avant de faire du mal, et ainsi, de fait, ils ne m’en feront pas.
J’espère ne pas avoir tort.
Et si ce n’est pas là, ce sera peut-être ailleurs ?
Je cherche une sagesse, une sérénité, une force intérieure et une plénitude que je n’ai pas encore atteintes.
Peut-être que je n’y arriverai jamais.
Mais c’est ce désir de vérité, d’authenticité, de douceur, d’absolu, de tranquillité et de complétude qui me fait tenir. Ce chemin, bien que parsemé d’épreuves, me rappelle que chaque pas est une avancée, même si cet état de plénitude semble inatteignable pour une âme comme la mienne.
Préparer ce voyage, c’est bien plus que surmonter des obstacles matériels.
C’est un combat contre mes propres démons…
On m’a souvent reproché de ne pas avoir de patience, alors que j’ai attendu, encore et encore.
Mais maintenant, il n’est plus temps…
On n’attend pas sa vie, sinon on la perd.
Et puis, il y a toutes ces voix extérieures qui s’élèvent dès qu’on annonce un projet aussi atypique et démentiel :
» Tu vas abandonner tes enfants ? » (Elles sont majeures ! Et ne vivent plus avec moi !)
» Oui, mais au cas où elles auraient besoin de toi ? Et si elles fondent une famille ? Tu ne les verras jamais ! «
» Tu devrais te trouver un homme pour te protéger ! »
» Avec tes handicaps, tu n’y arriveras jamais ! «
» Tu vas dormir dehors ? «
» Tes animaux, tu vas leur infliger ça ? Surtout ton chat ! Il a besoin d’un territoire ; l’en priver, c’est de la maltraitance animale ! «
» Une femme seule, tu es inconsciente ! «
» Holala ! T’as du courage ! Moi je pourrais pas, j’aurais trop peur !!! Le monde est fou ! Y a la guerre partout ! T’as du courage ! «
La liste est interminable. Ces remarques tombent, comme des coups de massue, les unes après les autres.
On m’a même parlé de traite des blanches, de dangers qui guettent les femmes seules, comme si chaque pas dehors annonçait le pire.
Pour certains, sortir de cette « grande cage dorée » qu’est la France semble une folie.
Ils imaginent que, peu importe où j’envisage d’aller ( en Asie, en Afrique ou ailleurs ) chaque destination serait peuplée de prédateurs guettant les naïfs.
Prêts à s’en prendre à mes animaux ou à m’arnaquer d’une façon ou d’une autre juste parce que j’ai le mot « France » écrit sur mon passeport.
Ces préoccupations, bien que souvent exagérées, pèsent lourd dans la balance des choix.
Chacune de ces remarques porte son lot d’inquiétudes, de jugements et de peurs projetées sous couvert de bienveillance.
Parce que oui, tout ça, c’est pour mon bien !
Évidemment !
Mais ça ne m’aide pas !
Parce que je suis morte de peur !
Parce que je lutte déjà contre moi-même ! Je suis complètement terrifiée, les gars !
Malgré ces avis, j’aspire à un voyage qui me permettra d’explorer le monde et d’apprendre de nouvelles réalités, loin des craintes et des idées préconçues.
Au-delà des doutes des autres, il y a aussi mes propres questions : ma santé, vendre la maison, trouver une solution pour la domiciliation fiscale.
Comment partir sans impacter ceux que je laisse derrière ?
Comment gérer les complexités administratives quand tout ce que je souhaite, c’est la liberté ?
Comment font ces grands voyageurs, ces nomades numériques, ces reporters ? Ils trouvent un moyen. Alors pourquoi pas moi ?
Au fond, toutes ces démarches, ces réflexions, ces combats intérieurs, sont déjà un voyage en soi. Je me prépare, j’avance, même sans bouger. Oui, je voyage déjà, à travers mes pensées, mes doutes, mes espoirs. Mon grand voyage a déjà commencé, bien que mes pieds n’aient pas encore quitté cette maison.